ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES
DEUXIÈME COMPOSITION DE PHYSIQUE
(Durée : 4 heures)
L'utilisation des calculatrices est autorisée pour cette épreuve.
Charges atmosphériques et orages
Les rayons cosmiques ionisent une partie de l'atmosphère. Les ions ainsi produits sont, avec les charges à la surface de la Terre, à l'origine du champ électrique terrestre. Ces ions ne restent pas immobiles et l'objet du problème est d'analyser quelques aspects de leur circulation.
Dans tout le problème, on supposera pour simplifier qu'il s'agit d'ions monovalents.
Dans la première partie, on aborde le problème de la distribution des ions et de leur mouvement par beau temps. Dans la deuxième partie, on effectue l'analyse de quelques processus qui contribuent à créer un champ électrique important dans les cumulo-nimbus. La troisième partie montre que les éclairs jouent un rôle essentiel dans la redistribution des charges atmosphériques.
Les réponses aux questions qualitatives doivent être formulées en deux phrases au maximum faisant ressortir clairement les arguments développés.
L'étude est locale, sur une zone de faible extension (quelques dizaines de kilomètres); le seul paramètre pertinent est l'altitude z par rapport à la surface de la Terre.
Données numériques
Rayon de la Terre
Champ de pesanteur terrestre
Masse volumique de l'eau
Mobilité des ions au niveau du sol
Champ magnétique terrestre
Masse molaire de l'air
Constante d'Avogadro
Constante des gaz parfaits
Rapport pour l'air
Constante de Boltzmann
Charge élémentaire
Permittivité du vide
Formulaire
En coordonnées sphériques :
Nombre de Reynolds : et désignant respectivement une vitesse et une dimension caractéristique de l'écoulement, et respectivement la masse volumique et la viscosité dynamique du fluide.
I. Distribution et circulation des ions par beau temps
L'atmosphère est supposée homogène horizontalement et on s'intéresse à sa couche basse d'altitude inférieure à 15 km . En plus du champ magnétique terrestre, il y règne un champ électrique vertical, orienté par beau temps vers le sol : avec .
1. Mobilité des ions
On étudie dans cette question le mouvement d'un cation, de charge et de masse , se déplaçant à la vitesse et soumis au champ électrique terrestre , le champ magnétique terrestre et la pesanteur étant négligés. En mouvement, l'ion subit une force moyenne de type frottement visqueux, proportionnelle à la fréquence de ses chocs avec les molécules composant l'air environnant : constante.
a) En supposant que la composition de l'air est indépendante de l'altitude, expliquer pourquoi est proportionnel à la masse volumique de l'air .
b) Donner l'équation du mouvement de l'ion.
c) Donner l'expression de pour un ion initialement immobile en supposant le champ électrique constant et localement uniforme.
d) Montrer qu'il existe une vitesse limite pour le cation. Quel est le temps caractéristique d'évolution de sa vitesse? Comment sont modifiés ces résultats pour un anion de charge mais de même masse ?
e) Pour une valeur du champ électrique de et en prenant pour la masse moyenne d'une molécule de l'air, calculer numériquement et avec . . Est-il légitime dans ces conditions de négliger l'influence du champ magnétique terrestre? même question pour la force de pesanteur? Calculer la distance caractéristique ; justifier le caractère local de la relation entre et .
f) La mobilité des cations est définie par et celle des anions par . Déterminer en fonction de et . L'évaluer numériquement.
2. Densité des ions
Soient et les densités (nombre par unité de volume) respectivement des cations et des anions. Ces ions sont créés dans l'atmosphère par les rayons cosmiques avec un taux d'ionisation (nombre de paires d'ions créés par unité de volume et de temps) uniforme. On suppose qu'ils se recombinent par paires avec un taux donné par constante. On suppose aussi qu'ils sont animés de leur vitesse limite .
a) Montrer que la densité de cations obéit à l'équation : . À quelle équation obéit la densité d'anions?
b) Cations et anions étant formés et se recombinant par paires, on suppose que . Quelle est avec cette hypothèse l'équation d'évolution temporelle de ? Montrer que ne dépend pas de .
c) On suppose le régime stationnaire atteint avec pour la valeur . Donner alors l'expression de en fonction de et . Les mesures montrent que ne dépend pratiquement pas de l'altitude; est-ce cohérent avec le résultat obtenu? Montrer alors que est proportionnel à .
d) Donner une évaluation de la durée de vie moyenne d'un ion à l'aide de et .
e) Application numérique. On donne . Calculer ; calculer et comparer sa valeur avec celle de obtenue en 1.e).
f) En prenant et pour ordre de grandeur de , montrer qu'un ion est pratiquement soumis à un champ constant lors de sa durée de vie.
3. Basse atmosphère
Soit le champ de pesanteur supposé uniforme. On considère l'air comme un gaz parfait de masse molaire moyenne et on suppose l'atmosphère en équilibre adiabatique pour lequel , où est la pression au sol.
a) Exprimer en fonction de , champ à proximité du sol, et de la température au sol .
b) On donne et . Calculer pour les altitudes de et 10000 m . Comparer aux valeurs expérimentales de la figure 1.
c) Soit la densité de courant électrique; exprimer en fonction de et . Calculer numériquement en .
d) On cherche à justifier l'hypothèse . Exprimer en fonction de . Donner une évaluation numérique de et conclure quant à
Figure 1.
II. Formation de champs électriques au sein d'un nuage
L'objectif est de montrer que la distribution des charges à l'intérieur d'un nuage est très différente de celle étudiée dans la première partie. La seule variable d'espace pertinente est toujours l'altitude .
1. Chute d'une goutte d'eau dans l'air
La goutte sphérique, de rayon , est soumise à la pesanteur et au frottement de l'air. L'air est supposé immobile, de masse volumique et de viscosité dynamique . En régime laminaire, la force de traînée sur une goutte de vitesse est donnée par la formule de Stokes ; en régime turbulent, elle est donnée par avec pour une sphère.
a) Pour chacun de ces deux régimes, donner l'expression de la vitesse limite de la goutte.
b) Calculer numériquement les vitesses correspondantes pour et pour . On donne et .
c) Pour chacune de ces valeurs de , préciser en justifiant votre réponse quel est le régime adapté; en déduire la valeur effective de pour ces deux tailles de goutte.
2. Déplétion en ions
Dans un nuage, les gouttes d'eau absorbent les ions qu'elles rencontrent et on désire évaluer le temps caractéristique d'évolution de la densité d'ions. Pour cela on utilise une approximation quasi-stationnaire.
Les gouttes sont assimilées à des conducteurs sphériques parfaits, toutes de rayon ce premier stade d'évolution du nuage, est suffisamment faible pour pouvoir négliger la vitesse de chute. On désigne par le coefficient de diffusion des ions dans l'air; on le suppose indépendant des ions; on prendra pour les évaluations numériques .
a) Rappeler la loi de Fick reliant la densité de courant de diffusion au gradient de la densité de particules diffusantes.
b) On considère une goutte unique; on suppose négligeable la convection des ions due au champ électrique; de plus la neutralité électrique locale, , permet de ne pas tenir compte des charges des ions, et de considérer que la goutte, recevant autant de cations que d'anions, garde une charge totale nulle. Écrire l'équation aux dérivées partielles que doit satisfaire en ne tenant compte que du courant de diffusion. En tenant compte de la symétrie sphérique du processus, résoudre cette équation en régime stationnaire, avec comme conditions aux limites à la surface de la goutte et à grande distance.
c) En déduire le nombre de cations absorbés par unité de temps par la goutte en fonction de et .
d) Le nuage contient gouttes par unité de volume ; établir en utilisant le calcul précédent l'équation d'évolution temporelle de compte tenu aussi du taux de création (cf. I.2). En déduire la constante de temps d'évolution correspondante. Quelle est la valeur atteinte par en régime permanent?
e) On donne . Calculer ; comparer au temps d'évolution d'un nuage. Calculer ; comparer à la valeur stationnaire de obtenue au I.2.e). Est-il légitime de ne pas tenir compte de la recombinaison par paires des ions?
f) Calculer la densité de courant de diffusion des ions à une distance typique du centre de la goutte; la comparer à la densité du courant de convection pour un champ électrique de . Était-il légitime de négliger le courant de convection par rapport au courant de diffusion?
3. Charges portées par les gouttes
a) On suppose dans cette question que les gouttes ne sont soumises à aucun champ électrique externe.
a1) Les gouttes absorbent de manière équivalente les anions et les cations. Mais ce processus est aléatoire et leurs charges électriques ont une distribution statistique. Quelle en est la valeur moyenne?
a2) Quel est le potentiel électrique d'une goutte de charge ?
a3) L'énergie électrostatique de la goutte a pour valeur ; sa valeur moyenne est de l'ordre de . En déduire une évaluation de la valeur moyenne de en fonction de et . La calculer numériquement à pour et pour .
b) Répartition de la charge à la surface d'une goutte.
On étudie une goutte seule dans le champ électrique vertical avec .
b1) Donner, en coordonnées sphériques centrées sur la goutte, l'expression du potentiel associé au champ .
b2) Dans le cas où , on suppose le potentiel créé par les charges surfaciques de la goutte de la forme où est un entier. Le potentiel est alors . En exprimant que la surface de la goutte est équipotentielle, déterminer la fonction à l'aide de et . Déterminer la valeur de .
b3) Dans le cas général où , donner l'expression du potentiel total .
b4) Exprimer le champ à la surface de la goutte en fonction de la densité surfacique de charge . Déterminer .
b5) Pour un champ comme c'est le cas dans l'atmosphère au moment de la formation du nuage, représenter sur un dessin la répartition surfacique de charge d'une goutte globalement neutre.
4. Amplification du champ
a) La densité d'ions est très faible à l'intérieur du nuage. Néanmoins, sous l'effet du champ électrique, les ions à l'extérieur du nuage sont toujours en mouvement vertical dans l'atmosphère et peuvent pénétrer dans le nuage, le champ au dessus et sous le nuage étant toujours orienté vers le sol. Cela induit une accumulation de gouttes chargées négativement à la base du nuage.
On considère une goutte de la base du nuage. Elle pourra se charger jusqu'à disparition de toute charge positive à sa surface. Déterminer l'expression de sa charge maximale en fonction de et . Calculer numériquement avec pour et . Comparer aux valeurs obtenues en II.3.a3).
b) Un autre mécanisme est à l'œuvre à l'intérieur d'un nuage et contribue à charger les gouttes lorsqu'elles ont atteint une taille suffisante pour que leur chute joue un rôle important.
b1) À l'aide du dessin représentant la répartition surfacique de charge d'une goutte globalement neutre (cf. II.3.b5), expliquer qu'une goutte qui tombe (suffisamment vite par rapport aux ions) va acquérir une charge d'un certain signe; préciser ce signe. On admet que la charge finale est proche de celle obtenue en II.4.a).
b2) En déduire que croît à l'intérieur du nuage. Cependant, lorsque croît, ce mécanisme devient de moins en moins efficace; justifier pourquoi. On admet que la limite est atteinte lorsque les cations ont une vitesse voisine de celle de la goutte; calculer le champ correspondant pour .
b3) Indiquer qualitativement la distribution des charges quand l'équilibre est atteint dans le nuage. Les observations montrent que le champ électrique à l'intérieur du nuage est beaucoup plus important que le champ initial et peut atteindre plus de . Sont-elles compatibles avec la valeur limite obtenue ci-dessus?
III. Décharge du nuage
1. Cellule orageuse
D'après l'étude de la deuxième partie, on peut supposer que, après un certain nombre d'heures, la base d'un nuage d'orage consiste en une «cellule » contenant des gouttes chargées négativement. On assimile cette cellule à une sphère de rayon , uniformément chargée en volume et dont la partie la plus basse est à une distance du sol.
a) On suppose que la cellule contient une masse totale d'eau et que les gouttes ont un rayon . Calculer le nombre de gouttes .
On suppose de plus que toutes les gouttes sont chargées à la valeur (cf. II.4.a)) correspondant à un champ électrique de à l'intérieur du nuage. Quelle est la charge totale de la cellule?
b) Quel est le potentiel à la surface d'une sphère uniformément chargée, de charge totale et de rayon , ce potentiel étant pris nul à l'infini? Le calculer numériquement pour .
c) On considère nul le potentiel de la Terre; donner une évaluation du champ électrique moyen entre la base du nuage et la Terre. Préciser le sens de ce champ; le comparer à celui qui existe par beau temps (cf. partie I). Le champ est-il plus fort à proximité du nuage ou du sol?
2. Coup de foudre
Dans de l'air sec à la pression atmosphérique, l'application d'un champ électrique de l'ordre de ( 30 kV par cm ) produit une ionisation qui se propage par un processus d'avalanches électroniques (les électrons arrachés sont accélérés, et par collisions arrachent des électrons à d'autres molécules avec un coefficient multiplicateur); c'est le «champ de rupture». Pour de l'air humide, contenant de plus des ions résiduels, la valeur de ce champ est notablement réduite. De plus des inhomogénéités ou des géométries particulières qui renforcent localement le champ électrique permettent à celui-ci d'atteindre plus aisément la valeur de rupture; l'ionisation, une fois amorcée, se propage en formant un canal ionisé, appelé «traceur»; un champ ambiant de l'ordre de peut suffire pour que ce processus se développe.
En général, durant la décharge, les observations suivantes peuvent être faites :
la décharge part du nuage et descend vers le sol, l'intensité du courant est d'environ 1 kA .
lorsque la décharge arrive à proximité du sol (quelques dizaines de mètres), une ionisation part du sol (« arc en retour ») et la rejoint ; l'intensité du courant transporté lors de cette seconde phase est importante.
a) Les valeurs numériques obtenues en III.1. sont-elles compatibles avec la formation d'un coup de foudre?
b) La durée du phénomène est de l'ordre de ; déduire de ces valeurs l'ordre de grandeur de l'intensité moyenne du courant électrique correspondant.
Un millier de coups de foudre atteignent le sol chaque seconde dans le monde entier. Quelle est l'intensité totale moyenne entre la Terre et les nuages, en considérant que la charge moyenne transférée par coup de foudre est égale à ? Quel est le sens de ce courant? Calculer la densité moyenne de courant ; comparer le sens du courant et sa densité à ceux existants par beau temps (cf. partie I). Que concluez-vous de cette comparaison?
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