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ECOLE POLYTECHNIQUE ECOLES NORMALES SUPERIEURES
CONCOURS D'ADMISSION 2023
MERCREDI 19 AVRIL 2023 08h00-12h00
FILIERE MP - Epreuve
PHYSIQUE (XULSR)
L'épreuve est composée de deux problèmes indépendants. On se contentera de réponses courtes, sauf lorsque l'énoncé demande d'expliquer, d'interpréter, ou de commenter.
I - Fusion thermonucléaire au cœur du Soleil
L'énergie rayonnée par le Soleil est issue des réactions nucléaires de fusion qui se produisent en son centre. Leur étude est l'objet de cette partie.
- Le Soleil est constitué en majorité d'hydrogène et d'hélium. L'intérieur du Soleil est si chaud que les atomes sont entièrement ionisés. Comment appelle-t-on cet état de la matière?
- La fusion nucléaire est un processus dans lequel deux noyaux légers se rapprochent suffisamment pour fusionner l'un avec l'autre. La répulsion électrostatique rendrait ce rapprochement impossible en l'absence d'un phénomène de physique quantique, qui leur permet de franchir la barrière de potentiel. De quel effet s'agit-il?
- Nous étudions d'abord le cas simple, à une dimension, de l'état stationnaire d'énergie
d'une particule quantique de masse , qui rencontre une marche de potentiel. L'énergie potentielle vaut 0 pour et pour , avec . On note la partie spatiale de la fonction d'onde de la particule dans son état stationnaire. Déterminer l'expression de pour . On notera . - On considère maintenant une barrière de potentiel de hauteur
et de longueur l'énergie potentielle est nulle pour et , et vaut pour , toujours avec . On admet que si le coefficient de transmission de la barrière, qu'on notera , est très faible, son expression est approximativement donnée par , où est la fonction déterminée à la question précédente. Préciser, en fonction des données du problème, comment se traduit mathématiquement la condition . Rappeler la définition du coefficient de transmission pour ce processus. Expliquer, sans calcul, pourquoi l'expression proposée n'est qu'approximative.
On considère maintenant le cas où l'énergie potentielle
dépend de
de manière continue. On suppose qu'elle vérifie toujours
pour
et
pour
et pour
, de telle sorte que la barrière de potentiel a une longueur
. On admet que le coefficient de transmission s'obtient approximativement en effectuant, dans le résultat de la question précédente, la substitution suivante :
- Nous allons appliquer ce résultat au cas où
désigne la distance relative entre deux protons se déplaçant sur un même axe, et l'énergie potentielle de leur interaction électrostatique. Rappeler l'expression de et tracer l'allure de sa variation en fonction de pour . On notera la charge électrique élémentaire. - Les protons sont initialement à grande distance l'un de l'autre.
est l'énergie cinétique de leur mouvement relatif, dont nous déterminerons l'expression plus loin. La fusion nucléaire a lieu lorsque les protons se trouvent au même point, soit . Exprimer la longueur de la barrière de potentiel qu'ils doivent franchir pour que la fusion ait lieu, en fonction de et des constantes fondamentales. - Calculer le coefficient de transmission
en le mettant sous la forme . On donne l'intégrale
Donner l'expression de
, dite énergie de Gamow, en fonction de la masse
de la particule et des constantes fondamentales.
8. Représenter la variation de en fonction de
.
9. On note et
les vitesses des protons, en valeur algébrique, sur l'axe
. On note
la vitesse de leur barycentre et
leur vitesse relative. Exprimer la somme de leurs énergies cinétiques en fonction de
, et de la masse du proton
. Montrer que l'énergie cinétique
associée au mouvement relatif est l'énergie d'une particule fictive de masse
dont on donnera l'expression en fonction de
.
8. Représenter la variation de
9. On note
On admet dans la suite que la masse
intervenant dans l'énergie de Gamow est en fait la masse
qui vient d'être introduite.
10. Les deux protons considérés précédemment sont supposés appartenir à un gaz de protons que l'on modélise par un gaz parfait unidimensionnel à la température . On note
la probabilité élémentaire pour deux protons d'avoir des vitesses
et
à
et
près. Expliciter la dépendance de
en fonction de
et
. On ne cherchera pas à déterminer la constante de normalisation, et on notera
la constante de Boltzmann.
11. On note la probabilité élémentaire que la vitesse du centre de masse soit
à
près, et que la vitesse relative soit
à
près. Montrer que
peut se mettre sous la forme
. Expliciter les expressions de
et de
aux constantes de normalisation près. Commenter la forme de
.
12. On note la probabilité que l'énergie cinétique relative vaille
à
près. Par un changement de variables de
à
, donner l'expression de
en fonction de E à une constante multiplicative près
13. On note le nombre de réactions nucléaires de fusion par unité de temps, pour une énergie relative valant
à
près. On postule que
est proportionnel à
. Comment interprétez-vous cette modélisation?
14. En utilisant les résultats obtenus précédemment, exprimer en fonction de
. On écrira le résultat sous la forme
, où
ne dépend pas de
, et on exprimera
en fonction de
et
.
15. Étudier la variation de . Montrer que
possède un maximum pour une valeur de
qu'on notera
et qu'on exprimera en fonction de
et
.
16. Situer l'énergie par rapport à
et
dans la limite où
. Dans le cas de la fusion entre deux protons au cœur du Soleil, les valeurs numériques sont
et
. Déterminer l'ordre de grandeur de
.
17. Déterminer l'expression littérale de en fonction de
et
, puis calculer son ordre de grandeur avec les valeurs numériques données plus haut.
18. Tracer l'allure de . Quelle est la particularité de la variation de
avec
dans la limite où
?
19. Généraliser les résultats obtenus au cas de la fusion de deux noyaux de numéros atomiques et
, de masses
et
quelconques. Déterminer en particulier comment la valeur de
et l'énergie de Gamow,
, sont modifiées.
20. Le taux d'une réaction nucléaire de fusion est défini comme le nombre de réactions de fusion par unité de volume et de temps, divisé par le produit des densités volumiques des deux noyaux impliqués dans le processus de fusion. Ainsi défini, le taux de réaction est indépendant des densités, et ne dépend que de la température. Une modélisation en trois dimensions, plus réaliste que celle développée jusqu'alors, donne un taux de réaction de la forme , où
et
sont des constantes qui dépendent de la réaction de fusion étudiée. La table ci-après donne les valeurs de ces constantes pour diverses réactions.
et
sont en unités de
(milliards de Kelvin), et les unités des coefficients
sont telles que les taux de réaction soient
en . On désigne le proton par
, le neutron (dont la masse est très proche de celle du proton) par
. Les symboles D ,
et
désignent les noyaux des atomes correspondants (
deutérium
),
désigne le photon,
le positon (électron chargé positivement) et
le neutrino.
10. Les deux protons considérés précédemment sont supposés appartenir à un gaz de protons que l'on modélise par un gaz parfait unidimensionnel à la température
11. On note
12. On note
13. On note
14. En utilisant les résultats obtenus précédemment, exprimer
15. Étudier la variation de
16. Situer l'énergie
17. Déterminer l'expression littérale de
18. Tracer l'allure de
19. Généraliser les résultats obtenus au cas de la fusion de deux noyaux de numéros atomiques
20. Le taux d'une réaction nucléaire de fusion est défini comme le nombre de réactions de fusion par unité de volume et de temps, divisé par le produit des densités volumiques des deux noyaux impliqués dans le processus de fusion. Ainsi défini, le taux de réaction est indépendant des densités, et ne dépend que de la température. Une modélisation en trois dimensions, plus réaliste que celle développée jusqu'alors, donne un taux de réaction de la forme
en
| réaction | Valeur de
|
Valeur de
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Montrer que la modélisation développée précédemment permet de prédire certaines relations entre les quantités
et
. Vérifier ces prédictions à l'aide d'applications numériques.
II - Rendement énergétique d'une machine thermique à sa puissance maximale
Lorsqu'une machine thermique cyclique fournit du travail en échangeant de la chaleur avec une source chaude et une source froide, de températures respectives
et
, le rendement maximal de Carnot n'est approché qu'à la limite des processus réversibles. Mais ceux-ci sont trop lents pour produire une puissance mécanique appréciable. À l'inverse, les processus très rapides sont fortement irréversibles, et leurs rendements sont si bas qu'on ne peut guère en extraire de travail mécanique. Un compromis est nécessaire si on souhaite rendre maximale la puissance de la machine. Nous allons étudier cette optimisation dans le cadre de deux modélisations simples, dont la première a été introduite indépendamment par les physiciens Jacques Yvon et I. I. Novikov au milieu des années 1950, dans le contexte de l'industrie électronucléaire naissante.
21. On note l'énergie fournie par la source chaude au cours d'un cycle de cette machine ditherme, et
le travail qu'on peut en extraire. Définir le rendement
d'une telle machine.
22. Déterminer l'expression du travail maximum qu'on peut extraire de la machine pendant un cycle en fonction de
et
, et l'expression du rendement maximal correspondant, qu'on notera
.
21. On note
22. Déterminer l'expression du travail maximum
Premier modèle : transfert thermique
- Nous considérons une machine dans laquelle l'énergie est produite par une source solide à la température
. Cette énergie est transmise à un fluide caloporteur de température , avec , qui circule en contact avec la source solide. On suppose et uniformes et indépendantes du temps. On note l'énergie fournie par la source solide au fluide caloporteur pendant la durée d'un cycle. Donner l'expression de en fonction de et et de la conductance thermique de l'interface, supposée fixée. - Le fluide caloporteur constitue la source chaude d'une machine thermique ditherme dont la source froide est à la température
. Il restitue à cette machine thermique l'énergie fournie par la source solide. On suppose par ailleurs que cette machine thermique fonctionne à son rendement maximal. En déduire la dépendance du travail qu'elle fournit en fonction de et - Tracer l'allure de la variation de la puissance extraite en fonction de
pour et fixés. - Tracer l'allure de la variation du rendement
en fonction de pour et fixés. Que vaut la puissance extraite lorsque le rendement est maximal? Commenter ce résultat. - Déterminer la valeur de
qui maximise la puissance extraite de la machine thermique pour et fixés. On exprimera cette valeur optimale de en fonction de et . - On note
la valeur du rendement correspondant à cette valeur de . Exprimer en fonction de et . - Exprimer
en fonction de , déterminé à la question 22, et représenter sa variation. Comment cette expression se simplifie-t-elle dans la limite où ?
Deuxième modèle : création d'entropie
- On revient au cas général d'une machine thermique cyclique ditherme dont les sources chaude et froide ont les températures respectives
et . On note toujours l'énergie fournie par la source chaude pendant la durée d'un cycle. On suppose maintenant qu'une entropie est créée au cours du cycle, où est un coefficient indépendant de . Commenter cette modélisation. Quel est le signe de ? - Déterminer le travail
fourni pendant un cycle en fonction de et . - Montrer que pour
fixé, la puissance est maximale pour une valeur de qu'on déterminera, et qu'on notera . - Calculer le rendement de la machine thermique lorsque la puissance est maximale. On le notera
.
Discussion
- Comparer les valeurs des rendements à puissance maximale prédites par ces deux modèles. Dans quelle limite ces prédictions coïncident-elles? Cette limite correspond-elle à une irréversibilité forte ou faible?
- Dans le cadre du premier modèle, déterminer l'expression de l'entropie créée au cours d'un cycle en fonction de
et . Montrer qu'elle est proportionnelle à dans une limite qu'on précisera. Commenter ce résultat. - Le coût d'une centrale thermique provient d'une part du combustible produisant l'énergie, d'autre part de la construction de la centrale et de son fonctionnement. On considère une situation où l'un de ces deux coûts est très supérieur à l'autre. D'un point de vue économique, dans quel cas a-t-on intérêt à optimiser le rendement, et dans quel cas a-t-on intérêt à maximiser la puissance?
- Le réacteur Sizewell B est le plus grand réacteur nucléaire à eau pressurisée construit au Royaume-Uni, qui couvre environ
des besoins d'électricité du pays. Les températures des sources chaudes et froides pour ce réacteur sont et . Son rendement est . Commenter cette valeur à la lumière des résultats obtenus dans ce problème.
