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ENS Mathématiques BCPST 2003

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Fonctions (limites, continuité, dérivabilité, intégration)Séries et familles sommablesSéries entières (et Fourier)
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SESSION 2003

MATHÉMATIQUES

Epreuve commune aux ENS de Paris, Lyon et Cachan
Durée : 4 heures
L'usage de toute calculatrice est interdit.
La calculatrice n'est pas autorisée pour cette épreuve.

Définitions et notations

Dans tout le problème, nous utiliserons les notations suivantes :
  • représente l'ensemble des entiers naturels et on note , ensemble des entiers naturels non nuls est l'ensemble des nombres réels, l'ensemble des réels strictement positifs.
  • Si est une variable aléatoire, on notera son espérance, sa variance et son écart-type.
  • Si I est un intervalle de et si est une fonction définie sur I et à valeurs dans , on dit que est une fonction convexe si et seulement si
On dit qu'elle est strictement convexe si et seulement si l'inégalité ci-dessus est stricte dès que .
  • On dit que est une fonction concave (resp. strictement concave) si et seulement si - est une fonction convexe (resp. strictement convexe).
    Les propriétés utiles des fonctions convexes sont établies à la question 3 de la partie A. Les candidats auront intérêt à lire ces questions, quitte à admettre les résultats demandés si besoin est, avant d'aborder la suite du sujet.
Le but du problème est de modéliser des stratégies d'évolution d'une population de taille finie mais grande. La physique statistique, appliquée à des problèmes d'évolution, fournit un formalisme mathématique permettant d'expliquer comment des intérêts divergents (soit entre individus d'une même population, soit entre effort de survie et effort de reproduction), en s'opposant, peuvent conduire à des situations d'équilibre. Nous étudions ici un des formalismes qui ont été développés pour permettre de telles études.
Les parties A et B sont, dans une très large mesure, indépendantes; la partie A présente des résultats généraux sur la notion d'entropie et la partie sur les processus de branchement.
Les parties C et D présentent des exemples d'utilisation de ces outils dans des modèles biologiques évolutifs de choix de comportement individuels et collectifs. La partie C utilise les résultats des deux autres parties. La partie utilise quelques résultats présentés dans la partie A , mais en reste très largement indépendante.

Partie A

Nous considérons donc une population, de taille finie mais grande. Le comportement des individus d'une population sera modélisé par une stratégie (typiquement : chaque individu doitil engendrer une descendance variée avec une probabilité uniforme, ou quelconque, ou ne doit-il miser que sur une descendance d'un type donné?).
Chaque individu peut adopter un comportement ; l'ensemble de ces comportements est un ensemble fini noté
Ce qui nous importe n'est pas tant la stratégie au niveau de l'individu (qui a tout intérêt à ne consacrer son énergie qu'à sa propre survie sans se soucier de descendance) qu'au niveau de la population.
La bilan de cette stratégie se solde par un gain, qui traduit l'adaptation darwinienne de cette stratégie. On notera le gain associé au choix . La fonction ainsi définie est appelée fonction de gain. On suppose que est une fonction positive : pour tout .
On posera
On note l'ensemble des probabilités sur . Un élément peut être représenté par
est la probabilité associée au choix . On a donc . Un tel élément est appelé stratégie; il représente la préférence d'un individu face aux choix .
  1. Tracer la courbe représentative de la fonction
Cette fonction admet-elle une limite en 0 ?
On appelle entropie de la stratégie le nombre
en prenant la convention que .

2. Exemples de systèmes simples

2a. On suppose dans cette sous-question que et on note , ensemble à deux éléments. On suppose que la stratégie est la probabilité uniforme. Calculer son entropie.
2b. Soit . Donner un exemple de système simple d'entropie égale à .
2c. Que dire d'une stratégie d'entropie nulle?

3. Inégalité de concavité du logarithme

3a. Soit J un intervalle de et soit une fonction de classe . Montrer que est convexe si et seulement si pour tout . Interpréter graphiquement la notion de convexité.
On remarquera pour la suite qu'une fonction de classe est donc concave si et seulement si .
3b. Soient . Soit . Montrer que
et qu'il n'y a égalité que si ; interpréter graphiquement le résultat.
3c. En déduire l'inégalité de concavité généralisée : pour tout , pour tout -uplet et pour tout -uplet tel que , on a
On admettra que cette inégalité se généralise à une somme infinie de termes ( .
On admettra également qu'il n'y a égalité que si les sont tous égaux (stricte concavité du logarithme).
4. Soit une autre probabilité sur .
4a. Montrer que
4b. Dans quel cas y a-t-il égalité?
4c. En déduire que la stratégie d'entropie maximale est celle correspondant à la probabilité uniforme.

5. Puissance d'une stratégie

On définit le potentiel de reproduction
Le potentiel de reproduction est donc la valeur moyenne (pour la stratégie ) de la fonction . Le cas particulier où les représentent le nombre de descendants justifie le nom de «potentiel de reproduction». (Dans le cas général, la fonction traduit d'une manière ou d'une autre la capacité des gènes à se transmettre.)
On définit également la puissance de la stratégie
On dit enfin que la stratégie est un état d'équilibre démographique si et seulement si
On peut interpréter comme suit la puissance de la stratégie. Le potentiel de reproduction est notamment plus grand lorsque le choix de gain maximal est plus probable ; au contraire, l'entropie est maximale si les choix sont équidistribués. Ces deux tendances contraires sont prises en compte lors de la maximisation de la somme du potentiel de reproduction et de l'entropie. D'un point de vue évolutif, la contribution de l'entropie traduit la capacité à se protéger des variations environnementales (par un large choix de comportements).
Montrer que, la fonction de gain étant fixée, il n'existe qu'une seule stratégie qui soit un état d'équilibre démographique. Déterminer cette stratégie et calculer sa puissance.

6. Variation de la fonction de gain

Dans notre modèle d'évolution de population, on prend en compte la mutation de certains individus en introduisant une perturbation dans la fonction de gain. Une modélisation particulièrement simple de perturbation s'effectue en prenant, pour nouvelle fonction de gain : , où est un paramètre, égal à 1 pour la population d'origine (on a donc ). On notera la stratégie de puissance maximale associée à la fonction de gain .
6a. Expliciter .
6b. On note . Calculer . En déduire une relation entre et le potentiel de reproduction .
6c. Montrer que la fonction est convexe.
6d. À quelle quantité correspond ?
6e. On suppose, dans cette question uniquement, que la fonction de gain est strictement positive : pour tout . Sous quelle(s) condition(s) a-t-on ? Que devient alors l'entropie?
6f. Dans la limite où tend vers 0 , que devient la stratégie ?
6g. Montrer que, si tend vers , la stratégie admet une limite qui «sélectionne » uniquement les choix de gain maximal. Décrire, en fonction de , la stratégie .
Indication : on pourra commencer par le cas simple où avant d'aborder le cas général.

7. Une stratégie d'entropie infinie

7a. Soit une fonction continue, décroissante et tendant vers 0 en . Montrer que, pour tout entier ,
En déduire que la série converge si et seulement si l'intégrale est
convergente.
7b. Trouver des primitives des fonctions et .
7c. En déduire la nature (convergente ou divergente) des séries et .
7d. On suppose que , é la probabilité définie par
En évaluant pour , montrer que l'entropie de la stratégie est infinie.

Partie B

Dans cette partie, nous étudions un modèle simple d'accroissement de population. Après une brève introduction préliminaire, la partie I établit quelques propriétés des sommes de variables aléatoires indépendantes et de même loi, dont le nombre est lui-même aléatoire. La partie II utilise les résultats des préliminaires et de la partie I.

0. Préliminaires

Cette courte partie préliminaire peut être traitée rapidement : la plupart des réponses ne demandent qu'une démonstration très courte.
Considérons une série entière de rayon , où les coefficients sont tous positifs et vérifient .
0a. Que vaut si ?
0b. On suppose désormais que . Montrer que est strictement croissante sur .
0c. Décrire si .
0d. On suppose désormais . Montrer que est strictement convexe.
0e. Discuter le nombre de solutions de l'équation dans les cas suivants :
Une interprétation graphique est vivement conseillée.

I

Soit ( ) un espace de probabilité.
Soit est une variable aléatoire à valeurs entières; on définit la fonction génératrice de par
On rappelle que la fonction est une série entière de rayon , qu'elle est continue sur et de classe sur .
  1. Rappeler le lien entre la loi de X (c'est-à-dire les quantités pour ) et les dérivées successives de G.
  2. On suppose désormais que . Montrer que X admet une espérance et une variance finies, que l'on exprimera en fonction de G et de ses dérivées successives.

3. Exemple : loi de Poisson

On suppose que X est une variable aléatoire suivant une loi de Poisson de paramètre .
3a. Déterminer la fonction génératrice de X . Quel est son rayon de convergence?
3b. Retrouver l'espérance et la variance de X.
4. Soient et deux variables aléatoires admettant une espérance et une variance finie, à valeurs dans . Soit une suite de variables aléatoires indépendantes, toutes de même loi que X . On suppose que N est indépendante de la suite .
On note, pour tout . Enfin, on définit la variable aléatoire S par
(On prendra comme convention qu'une somme vide - cas - est nulle.)
4a. Calculer, pour tout , la fonction génératrice de , en fonction de .
4b. Montrer que pour tout .
On admettra qu'il est licite d'intervertir les sommations sur plusieurs indices.
4c. Exprimer et en fonction de l'espérance et de la variance de et de .

II

On considère un modèle élémentaire de vie et de mort d'une population. Dans ce modèle, on mesure le temps de façon discrète, et on le note . Au départ (génération ) la population est composée d'une seule bactérie, que nous appellerons Lucy. Cette bactérie va, à l'instant , engendrer de nouveaux individus et mourir (génération ). Ensuite, à chaque étape , le même phénomène se reproduit pour chaque individu vivant : génération de nouvelles bactéries et mort.
On notera la probabilité (constante) qu'une bactérie ne donne naissance à aucune descendance et, pour tout la probabilité qu'elle donne naissance à exactement descendants. Notons
Enfin, nous appellerons la variable aléatoire donnant la population totale à l'instant et nous noterons la probabilité que la -ième génération soit vide (extinction de la population) :
  1. Que valent la loi et la fonction génératrice de et ?
  2. Que vaut la fonction génératrice de ?
Indication : on pourra noter la variable aléatoire donnant le nombre de descendants du premier enfant de Lucy, celle donnant le nombre de descendants du deuxième enfant,... toutes ces variables ayant la même loi.
3. Établir une relation de récurrence donnant la fonction génératrice de en fonction de et G .
4. On suppose désormais que . Établir une relation de récurrence entre et . Montrer qu'il existe un réel tel que pour tout , et que la suite est croissante. En déduire qu'elle converge.
5. Calculer en fonction de et de .
6. On peut désormais conclure sur le comportement asymptotique de la population.
6a. On suppose . Que peut-on dire de la probabilité d'extinction de la population après un temps infini? Quelle est la valeur espérée de la population totale après un temps infini?
6b. On suppose maintenant . Que peut-on dire de la probabilité d'extinction de la population après un temps infini? Comment évolue la valeur moyenne de la population?
6c. Quels commentaires pouvez-vous faire?

Partie C

On considère deux populations en concurrence dans un même milieu : une population normale (dite «sauvage ») et une population mutante. Elles se reproduisent de la manière décrite dans la partie B : à chaque temps discret , chaque individu vivant engendre une descendance de individus avec une probabilité ( étant un entier naturel quelconque).
Chaque individu de la population principale est donc face à un choix : combien de descendants doit-il engendrer ? On notera , les résultats de la partie A, établis pour un ensemble fini, restent vrais ici. On suppose que ce choix se traduit par une fonction de gain , donnée par
est une constante strictement positive.
Il est important de noter que, dans cette partie, une stratégie est une loi de probabilité sur le nombre de descendants (alors que dans le cas général, elle porte sur un comportement quelconque, l'importance de la descendance étant alors la traduction en terme d'adaptation de ce choix).
Le gain offert par le choix d'avoir descendants peut se comprendre ainsi : chaque individu a un capital énergétique qu'il peut répartir entre ses efforts de survie en tant qu'individu et ses efforts pour la survie de l'espèce. Ainsi, le choix d'une descendance très peu nombreuse, voire nulle, est-il mauvais pour des raisons évidentes; le choix d'une descendance trop nombreuse est également mauvais car la descendance risque d'avoir peu de chances de survie. La prédominance de l'un ou l'autre de ces facteurs (rendant compte des processus complexes d'interaction avec l'environnement) est modélisée par la variable .
Il existe par ailleurs une population mutante, pour laquelle la fonction de gain est . Cette population est initialement rare.
  1. On rappelle qu'à l'équilibre démographique, c'est-à-dire lorsque la stratégie correspond à la puissance maximale, la famille est proportionnelle à la famille . Déterminer la stratégie de reproduction de puissance maximale pour la population normale (dite «sauvage») ainsi que le nombre moyen de descendants d'un individu.
  2. On suppose que la population mutante est correctement décrite par la stratégie , obtenue dans la limite .
    2a. On suppose . Quelle est la probabilité d'extinction au bout d'un temps infini de la population sauvage? Comment évolue sa population?
    Que peut-on dire de la population mutante?
    2b. On suppose . Que dire de la probabilité d'extinction de la population sauvage et de la population mutante? Quelle est la population dont l'extinction est la plus rapide?
2c. On suppose maintenant . En quelle(s) valeur(s) de la fonction de gain est-elle maximale? Que dire de la probabilité d'extinction de la population normale et de la population mutante? Comparer les croissances respectives de chaque population et déterminer l'évolution de la proportion de mutants au cours du temps.
Indication : on pourra commencer par traiter le cas où est un entier.
2d. Conclusion?

Partie D

Dans cette partie, on va montrer qu'une variation du paramètre de la fonction de gain peut modifier de manière brutale le choix moyen effectué par une population.
On considère une population de individus répartis dans un certain environnement. Chaque individu de cette population a la possibilité de choisir entre deux états, que nous noterons +1 et -1 . On note désormais l'ensemble des choix effectués par la population totale, c'est-à-dire
On a alors ; un élément est donc de la forme
. On notera alors, pour :
On appelle M la valeur moyenne de la variable S ; on la traitera comme un paramètre extérieur fixé.
  1. Expliquer comment la valeur de permet de donner une indication sur la propension qu'ont les individus à faire le même choix ou, au contraire, à faire des choix indépendants.
À partir de maintenant, on se donne la fonction de gain
et sont des constantes, et où , comme dans les parties précédentes, varie selon les mutations de la population.
On rappelle qu'à l'équilibre démographique, la stratégie est celle dont la puissance est maximale; alors est proportionnelle à et la puissance de cette stratégie vaut .
2. À l'équilibre démographique quand , quelle est la stratégie de la population? En déduire M.
3. On suppose maintenant que . Calculer la quantité
On pourra poser
et
  1. 4a. On se place à l'équilibre démographique. Exprimer et la puissance en fonction de et .
    4b. Expliquer pourquoi, a priori, M dépend de et .
    4c. Cependant, pour pouvoir réduire notre problème à l'étude de la seule quantité , on suppose pouvoir traiter M comme une constante (c'est-à-dire que l'on fixe formellement M et que l'on calcule P en fonction de et M ). Pour cela, il est nécessaire d'écrire que M a une valeur pour laquelle la puissance est maximale, c'est-à-dire .
    Écrire alors l'équation que vérifie la quantité , équation que l'on désignera par (*).
  2. On traite dans cette question le cas où .
5a. Montrer que l'équation (*) possède une ou trois solutions.
5b. Montrer qu'il existe une valeur critique de la variable en deçà de laquelle . Décrire alors l'état de la population.
5c. Montrer qu'au delà de , la quantité M peut prendre deux valeurs. Décrire alors l'état de la population.
5d. En remarquant que la quantité mesure l'importance du potentiel de reproduction comparée à celle de l'entropie dans la puissance d'une stratégie, interpréter les résultats précédents.
5e. Quelle(s) critique(s) peut-on faire à la méthode?
6. Discuter brièvement le cas : nombre de solutions de l'équation et état de la population.
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