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ENS Informatique Fondamentale (Maths Info) MP 2012
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ÉCOLES NORMALES SUPÉRIEURES
COMPOSITION D'INFORMATIQUE-MATHÉMATIQUES - (ULC)
(Durée : 4 heures)
L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve.
Le présent sujet comporte 8 pages numérotées de 2 à 9 .
Autour des séries formelles
Une série formelle à coefficients dans
est une suite
d'éléments de
. L'ensemble des séries formelles est noté
. Les opérations usuelles d'addition (terme à terme) et de multiplication par un scalaire (terme à terme) sur les suites font naturellement de
un
-espace vectoriel.
La suite (
), considérée comme série formelle, est également notée
. La légitimité de cette notation sommatoire sera explorée plus tard ; pour l'instant, elle ne doit pas s'interpréter comme provenant d'une notion de série classique. Ainsi, la série formelle
est un élément de
, bien que la série entière correspondante ait un rayon de convergence nul. En particulier, en dehors de la dernière partie du problème, toute considération de rayon de convergence est exclue.
On définit sur
une opération de multiplication de deux séries formelles de la manière suivante : si
et
, alors
, avec
Quelques notations
Lorsqu'une série formelle
est définie,
désigne implicitement son "coefficient de degré
", i.e.
. Deux séries formelles
et
sont égales si et seulement si on a, pour tout
.
On note
la série formelle
définie par
pour
la série formelle
définie par
pour
; et
la série formelle dont tous les termes sont nuls. On admettra que le produit de séries formelles est commutatif et associatif, et admet
comme élément neutre et
comme élément absorbant.
Lorsque
est un ensemble fini, on note
le cardinal de
.
Partie 1 : Algèbre des séries formelles
Question 1.1. Quelle est la suite associée à la série formelle
?
Question 1.2. Montrer qu'il existe une unique application linéaire
telle que, pour tout
, et qu'il s'agit d'un morphisme injectif d'algèbres.
Dans la suite, on identifiera un polynôme
à son image
, et on pourra considérer que
est un sous-ensemble de
. On se gardera toutefois d'utiliser la notation
lorsque
est un réel et que
est une série formelle qui n'est pas un polynôme.
Pour une série formelle
non identiquement nulle, la valuation de
est définie
. Pour deux séries formelles
et
, on définit
Question 1.3.
(a). Montrer que
définit une distance sur
.
(b). Montrer que n'est pas une distance provenant d'une norme sur
.
(b). Montrer que
Question 1.4. Soient
et
deux séries formelles. Montrer que
si et seulement si
ou
.
Soit
, et
une suite d'éléments de
. On dit que la suite
converge vers
au sens des séries formelles, si
.
On définit également la convergence d'une série de séries formelles, de la manière suivante : si
est une suite d'éléments de
, on dira que la série
converge, avec comme somme
, si la suite
converge vers
.
Question 1.5.
(a). Montrer que la suite de polynômes définie par
ne converge pas au sens des séries formelles. Existe-t-il une norme sur
pour laquelle elle converge?
(b). Montrer qu'une condition nécessaire et suffisante pour que la suite de séries formelles converge vers une série formelle
est que, pour tout
, la suite
soit ultimement constante et égale à
.
(c). Montrer qu'une suite de séries formelles converge au sens des séries formelles si et seulement si la suite
converge vers la série
.
(b). Montrer qu'une condition nécessaire et suffisante pour que la suite
(c). Montrer qu'une suite de séries formelles
Question 1.6. Montrer que toute série formelle
est la somme de la série de séries formelles
, où
.
Question 1.7. On définit sur
une relation binaire
de la manière suivante :
si et seulement si, pour tout
, on a
. Montrer que
est une relation d'ordre sur
.
Partie 2 : Équations de séries formelles
Dans cette partie, nous nous intéressons à différentes formes d'équations portant sur des séries formelles, et à donner des conditions permettant d'affirmer l'existence et l'unicité de solutions.
Si
est une fonction de
dans lui-même, une série formelle
est une solution de l'équation
si l'image de
par
est la série nulle. De même, une série formelle est une solution de l'équation
si
est sa propre image par
(
est un point fixe de
).
Question 2.1. Soit
une série formelle non identiquement nulle, et
. Montrer qu'il existe une série formelle
telle que l'on ait
, si et seulement si
.
Question 2.2. La série formelle
est un inverse (multiplicatif) de la série formelle
, si l'on a
.
(a). En supposant connus les coefficients de , écrire de manière générique les équations sur les coefficients de
qui caractérisent le fait que
soit un inverse de
.
(b). Montrer qu'une série admet un inverse si et seulement si
, et que cet inverse est alors unique.
(c). Soit , et soit
l'inverse de
. Calculer
et
.
(a). En supposant connus les coefficients de
(b). Montrer qu'une série
(c). Soit
Question 2.3. Soient
et
deux polynômes,
non identiquement nul.
(a). Montrer qu'il existe au plus une série formelle telle que
.
(b). Montrer que, si , alors il existe une série formelle
telle que
.
(c). Donner une condition nécessaire et suffisante sur et
pour qu'une telle série formelle existe (sans nécessairement supposer
).
(a). Montrer qu'il existe au plus une série formelle
(b). Montrer que, si
(c). Donner une condition nécessaire et suffisante sur
Une série formelle solution d'une équation de la forme
, où
et
sont des polynômes, est appelée série rationnelle.
Question 2.4. Soit
une suite satisfaisant, pour tout
. Montrer que la série formelle
est rationnelle.
Question 2.5. Montrer que, pour toute série rationnelle
, il existe un unique couple
de polynômes premiers entre eux, avec
unitaire, tels que
soit l'unique solution de l'équation
. Dans la suite, ces deux polynômes seront notés respectivement
et
.
Question 2.6. Soit
une série rationnelle. Montrer qu'il existe un entier
, un entier
, et des réels
tels que les coefficients
satisfassent, pour tout
,
Question 2.7. Réciproquement, démontrer que toute série formelle qui satisfait une condition de la forme (1) est rationnelle.
Question 2.8. Soient
et
deux polynômes non identiquement nuls, avec
. On suppose que
et
sont donnés par leurs degrés respectifs
et
(considérés comme des constantes), et leurs coefficients
et
. Soit alors
la série formelle d'équation
. Montrer qu'il est possible de calculer le coefficient
en
opérations arithmétiques sur des nombres entiers.
Une fonction
de
dans lui-même est dite contractante si, pour toutes séries formelles
et
telles que
, on a
Question 2.9.
(a). Montrer que si
est contractante, alors l'équation
a au plus une solution.
(b). On suppose contractante. Soit
une série formelle quelconque. On définit la suite de séries formelles
pour
. Montrer que, pour tout
tel que
, on a
(b). On suppose
(c). Montrer que, si
est contractante, alors l'équation
a une solution unique.
Une équation de la forme
est algébrique s'il existe un entier
et
polynômes
, non tous nuls, tels que
s'exprime sous la forme
Une éventuelle solution d'une équation algébrique est elle-même appelée série formelle algébrique.
Question 2.10. Soit une équation algébrique
, pour laquelle le polynôme
ne s'annule pas en 0 , alors que chaque polynôme
pour
s'annule en 0 . Montrer qu'une telle équation a une solution unique dans
.
Question 2.11. Soit
un polynôme tel que l'on ait
. On s'intéresse aux solutions de l'équation
.
(a). Montrer qu'une condition nécessaire pour qu'une série formelle soit solution de l'équation
est que
appartienne à un ensemble
à déterminer.
(b). Montrer que l'équation a exactement deux solutions dans
.
(a). Montrer qu'une condition nécessaire pour qu'une série formelle
(b). Montrer que l'équation
Partie 3 : Séries génératrices de langages
Soit
un ensemble fini non vide.
désigne l'ensemble des suites finies d'éléments de
, suites qui sont appelées mots sur l'alphabet
. On supposera systématiquement que les suites
finies non vides sont de la forme , i.e. sont indexées à partir de 1 . L'entier
est alors la longueur du mot, notée
. L'unique mot de longueur 0 , appelé mot vide, est noté
.
finies non vides sont de la forme
Afin de simplifier les notations, on note les mots en écrivant directement la séquence de leurs lettres: ainsi, le mot
(de longueur 4) se note
.
Un langage
est une partie de
; l'ensemble des langages sur l'alphabet
est noté
.
Une occurrence d'une lettre dans un mot
est un indice
tel que l'on ait
. Le nombre d'occurrences de
dans
est noté
.
Une occurrence d'une lettre
Si
est un langage, on note
, pour tout entier
, l'ensemble des mots de
dont la longueur est
, et
. On a donc en particulier
ou
selon que
appartient ou non à
.
On définit la série génératrice du langage
comme la série formelle
.
Question 3.1. Soient
et
deux langages. Montrer que, si
, alors on a
, et que, si de plus on a
, alors
.
Question 3.2. Soient
et
deux langages. Montrer que
, et qu'il y a égalité si et seulement si les langages
et
sont disjoints.
L'ensemble
est muni d'une loi de composition interne dite produit de concaténation, notée . et définie comme suit : si
et
sont deux mots de longueurs respectives
et
est le mot
, de longueur
, défini par
On admettra que le produit de concaténation est associatif et admet
comme élément neutre.
On définit le produit (ensembliste) de deux langages et
comme le langage
défini par :
si et seulement s'il existe deux mots
et
tels que l'on ait
. Lorsque l'un des langages est réduit à un unique mot, on s'autorise un abus de notation consistant par exemple à écrire
pour le langage
. Cette définition s'étend à un produit de plus de deux langages : si
sont des langages,
désigne l'ensemble des mots
tels qu'il existe des mots
(pour
) avec
.
On définit le produit (ensembliste) de deux langages
Le produit
est dit non ambigu si, pour tout mot
, le
-uplet de mots
est unique.
Un mot
est un préfixe d'un mot
s'il existe un mot
tel que l'on ait
; en particulier, le mot vide
est préfixe de tout mot, et tout mot est préfixe de lui-même. Un langage
est dit préfixe si, pour tout couple
est préfixe de
si et seulement si
(attention, la terminologie est un peu trompeuse : un langage préfixe est un langage qui ne contient pas de couples de mots distincts préfixes l'un de l'autre). À titre d'exemple, le langage fini {a,ab} n'est pas préfixe (
est préfixe de
), mais le langage
l'est.
Question 3.3. Soit
un langage préfixe, et
un langage quelconque. Montrer que le produit
est non ambigu.
Question 3.4. Soient
et
deux langages.
- Montrer que l'on a
- Montrer que l'on a
si et seulement si le produit de langages est non ambigu.
Question 3.5. On définit un langage
sur l'alphabet
, de la manière suivante :
est l'ensemble des mots (y compris le mot vide) qui ne contiennent pas deux occurrences consécutives de la lettre
, i.e. l'ensemble des mots
(avec
pour chaque
tels que, pour tout
ou
.
(a). Montrer que satisfait l'identité ensembliste
(a). Montrer que
(b). Montrer que la série génératrice
de
est une série rationnelle, et déterminer
et
.
(c). Donner une relation de récurrence définissant la suite .
(c). Donner une relation de récurrence définissant la suite
Question 3.6. On définit un langage
sur l'alphabet
de la manière suivante : un mot
est dans
si et seulement si, d'une part,
, et d'autre part, pour tout préfixe
de
, on a
.
(a). Soient et
deux mots de
. Montrer que a.
.
(b). Soit un mot non vide de
. Montrer qu'il existe deux mots
et
de
tels que l'on ait
, et que ces deux mots sont uniques.
(c). Montrer que le langage satisfait l'identité ensembliste
(a). Soient
(b). Soit
(c). Montrer que le langage
(d). Montrer que la série génératrice
satisfait l'équation
Question 3.7. Soit
une suite de langages sur un même alphabet fini
. On suppose que l'on a, pour tout
. On note
la série génératrice du langage
. Montrer que la suite
converge au sens des séries formelles vers la série génératrice
du langage
。
Dans le reste de cette partie,
désigne une fonction de
dans lui-même. On suppose que
est croissante au sens suivant : pour tous langages
et
, si
alors
.
On définit deux suites de langages
et
, de la manière suivante :
,
, et pour
et
. Enfin, on pose
et
.
Question 3.8.
(a). Montrer que l'on a, pour tout
.
(b). Montrer que et
satisfont
.
(c). Montrer que, si est un langage qui satisfait
, alors
.
(b). Montrer que
(c). Montrer que, si
On suppose maintenant que
peut s'exprimer de la manière suivante : pour tout langage
,
où
est un langage fixé et chaque
(pour
) est une fonction
qui, à chaque
-uplet de mots, associe un langage.
Question 3.9. Soient
et
trois langages fixés, et
définie (pour cette question seulement) par
Trouver un entier
et des
permettant d'exprimer
sous la forme précédente.
Question 3.10. Montrer qu'une telle fonction
est croissante au sens précédemment défini.
Question 3.11. On suppose que chaque
satisfait la condition suivante : pour tout
-uplet de mots
et tout mot
, on a
.
Montrer que sous ces conditions, le langage
précédemment défini est l'unique langage tel que l'on ait
.
Question 3.12. On se donne, sur un alphabet
fixé, deux langages
et
, dont on suppose que
est préfixe, et qu'aucun mot de
n'a de préfixe dans
.
(a). Montrer qu'il existe un unique langage tel que l'identité
soit satisfaite, et que la série génératrice de
satisfait l'équation
(a). Montrer qu'il existe un unique langage
(b). Montrer que, si les langages
et
ont des séries génératrices rationnelles, alors il en est de même de
.
Partie 4 : Séries formelles et séries entières
Dans cette partie, on s'intéresse aux liens entre la théorie des séries formelles et celle des fonctions sommes de séries entières. Étant donnée une série formelle
, on notera
la série entière correspondante, et, une fois la convergence en un point
(qui sera toujours réel) établie, on notera
la valeur en
de la fonction somme.
Question 4.1. Soit
un alphabet fini,
un langage d'alphabet
, et
la série génératrice de
. Montrer que la série entière correspondant à
a un rayon de convergence strictement positif.
Question 4.2. Soient
et
deux séries formelles dont les séries entières associées ont un rayon de convergence strictement positif. Montrer que les séries formelles
et
ont également un rayon de convergence strictement positif, et que l'on a, pour
(pour un certain
et
.
Question 4.3. Soit
la somme de la série entière correspondant à la série génératrice du langage
défini à la question 3.6.
(a). Montrer que la fonction est, sur un voisinage de 0 , solution de l'équation fonctionnelle
.
(b). Donner une expression analytique pour au voisinage de 0 .
(a). Montrer que la fonction
(b). Donner une expression analytique pour
Question 4.4. On note
le coefficient de degré
de
, i.e.,
. Montrer que, pour
, on a
