Ce problème étudie diverses propriétés des matrices primitives et des matrices irréductibles, définies dans les parties III et V respectivement, et s'appuie sur la notion de chemin dans une matrice positive, que l'on définit dans le préambule.
Généralités
Dans tout le problème désigne un entier supérieur ou égal à 2 .
Pour tous entiers naturels et , avec , la notation désigne .
On note l'ensemble des matrices carrées d'ordre à coefficients dans (avec ou ).
Si est dans , on notera ou le coefficient de situé en ligne et colonne .
On note l'ensemble des matrices carrées inversibles d'ordre à coefficients dans .
On note la matrice diagonale de coefficients diagonaux successifs .
Si est une matrice carrée de terme général , on note le terme général de la matrice .
Soit dans . On note (spectre de ) l'ensemble des valeurs propres complexes de .
On appelle rayon spectral de la quantité .
On dit qu'une valeur propre de est dominante si: .
On identifie une matrice de avec l'endomorphisme de qui lui est canoniquement associé. Cela permet de légitimer les notations et .
On note la transposée d'une matrice .
On identifie un élément de avec la matrice-colonne associée, ce qui légitime la notation pour tout dans . Dans ces conditions désigne la matrice-ligne associée au vecteur .
Dans la partie IV, on munit de son produit scalaire canonique, défini par .
Matrices positives
On dit que est positive et on note , si: .
On dit que est strictement positive et on note , si: .
Ces définitions s'appliquent aux vecteurs de (notations ou ).
On prendra bien garde au fait que l'implication ( et est fausse !
Il est clair (et on ne demande pas de le démontrer) que les puissances (avec ) d'une matrice carrée positive (respectivement strictement positive) sont positives (respectivement strictement positives).
Chemins dans une matrice positive
Soit une matrice positive de .
Un chemin dans est une suite de , avec , telle que : . Un tel chemin sera noté : .
On dit que a pour longueur et qu'il va de (son origine) à (son extrémité) en passant par les .
On dit que est un chemin élémentaire si sont distincts deux à deux.
On dit que est un circuit si et un circuit élémentaire si de plus sont distincts. Dans un circuit, la notion d'origine et d'extrémité perd de son intérêt. On pourra donc dire d'un circuit qu'il passe par un indice (sans se préoccuper de la position de dans ce circuit).
I Si , alors
Cette partie est pratiquement indépendante du reste du problème. Elle démontre un résultat qui ne sera utilisé que dans la question IV.B.
On dit qu'une norme sur est sous-multiplicative si : .
I.A - Deux exemples de normes sous-multiplicatives
Pour toute matrice de , on pose .
I.A.1) Montrer que l'application est une norme sous-multiplicative sur .
I.A.2) Soit . Montrer que est une norme sous-multiplicative sur .
I.B - Une conséquence de l'inégalité
On se donne dans , avec . On veut montrer que .
I.B.1) Soit dans et soit triangulaire supérieure, telles que . On se donne . On pose et .
Montrer que est triangulaire supérieure et qu'on peut choisir de sorte que .
I.B.2) Avec ce choix de , on pose et on munit de la norme .
Montrer que et en déduire .
II Chemins dans les matrices positives
Cette partie aborde les notions de base sur les chemins dans une matrice positive (et notamment le lien entre l'existence de tels chemins et le caractère strictement positif de coefficients des puissances de ).
Une bonne compréhension des résultats démontrés ici est importante dans la perspective des parties III et IV. Dans cette partie, désigne une matrice positive de .
II.A - Réduction d'un chemin à un chemin élémentaire
Montrer que s'il existe dans un chemin de vers , avec , alors il existe un chemin élémentaire de vers et de longueur . De même, montrer que s'il existe dans un circuit passant , alors il existe un circuit élémentaire passant par et de longueur .
II.B - Une caractérisation de l'existence d'un chemin de i à
Soit dans . Soit dans . Soit . Montrer l'équivalence des propositions :
il existe dans un chemin d'origine , d'extrémité , de longueur ;
le coefficient d'indice de (noté ) est strictement positif.
On pourra procéder par récurrence sur l'entier .
II.C - Chemins dans une puissance de
Soit dans , et soit et dans . Montrer l'équivalence des propositions :
il existe dans un chemin d'origine , d'extrémité , de longueur ;
il existe dans un chemin d'origine , d'extrémité , de longueur .
III Matrices primitives et indice de primitivité
Soit dans , avec . On dit que est primitive s'il existe tel que .
Avec cette définition, il est clair que toute matrice carrée strictement positive est primitive.
Dans toute la suite, matrice primitive signifie matrice carrée positive primitive.
Si est primitive, on appelle indice de primitivité de le plus petit entier tel que .
III.A - Chemins élémentaires dans une matrice primitive
Soit une matrice primitive de .
Montrer que pour tous il existe dans un chemin élémentaire de à et de longueur , et que pour tout il existe dans un circuit élémentaire passant par et de longueur .
III.B - Puissances d'une matrice primitive
III.B.1) Donner un exemple simple d'une matrice carrée primitive mais non strictement positive.
III.B.2) Soit dans et dans avec . Montrer que .
III.B.3) Soit une matrice primitive et tel que . Montrer que .
On pourra remarquer, en le justifiant, qu'aucune des colonnes de n'est nulle.
III.B.4) Prouver que si est primitive, alors est primitive pour tout .
III.B.5) Montrer que le rayon spectral d'une matrice primitive est strictement positif.
III.C - La matrice de Weilandt
On définit la matrice de par
Par exemple, pour .
Le but de cette question est de prouver que est primitive, d'indice de primitivité .
III.C.1) Montrer que le polynôme caractéristique de est .
En déduire , puis que .
III.C.2) Préciser le plus court circuit passant par l'indice 1 dans la matrice .
En déduire que la matrice positive n'est pas strictement positive.
III.C.3) Montrer que pour tous de , avec , il existe dans au moins un chemin d'origine , d'extrémité , et de longueur inférieure ou égale à .
On pourra traiter successivement les deux cas et .
En déduire que la matrice est strictement positive et conclure.
III.D - Indice de primitivité maximum
Le but de cette sous-partie est de prouver que si est primitive, on a toujours , c'est-àdire que l'indice de primitivité de est inférieur ou égal à . Ce majorant est en fait un maximum, comme on l'a vu avec la matrice de Weilandt dans la question précédente.
Dans toute cette sous-partie, est une matrice primitive donnée dans .
On peut donc appliquer à la matrice les résultats de la question III.A.
En particulier, on note la plus petite longueur d'un circuit élémentaire de .
III.D.1) Par l'absurde, on suppose .
Montrer qu'alors tous les circuits de sont de longueur multiple de .
En déduire que les matrices (avec ) sont de diagonale nulle et aboutir à une contradiction.
III.D.2) D'après ce qui précède, il existe dans un circuit élémentaire de longueur .
Pour simplifier la rédaction, et parce que cela n'enlève rien à la généralité du problème, on suppose qu'il s'agit du circuit (les indices restants étant donc situés «en dehors» du circuit ).
Nous allons montrer que est strictement positive.
Pour cela, on se donne et dans . Tout revient à établir qu'il existe dans un chemin d'origine , d'extrémité et de longueur .
a) Montrer que dans , on peut former un chemin d'origine , de longueur , et dont l'extrémité est dans (on notera cette extrémité).
On pourra traiter le cas , puis le cas .
b) Dire pour quelle raison les premiers coefficients diagonaux de (et en particulier le -ième) sont strictement positifs.
Montrer alors qu'il existe un chemin de longueur dans (c'est-à-dire un chemin de longueur dans d'origine et d'extrémité .
c) En déduire finalement , puis .
IV Étude des puissances d'une matrice primitive
Cette partie utilise uniquement la définition des matrices primitives : elle est pratiquement indépendante de la partie III. Par ailleurs, les résultats de la partie IV ne seront pas réutilisés dans les parties V et VI.
Pour toute matrice primitive dans , on admet le résultat suivant :
Le rayon spectral de (dont on sait qu'il est strictement positif) est une valeur propre dominante de et le sous-espace propre associé est une droite vectorielle qui possède un vecteur directeur .
Dans toute cette partie, on se donne une matrice primitive de .
Pour simplifier les notations, on note (plutôt que ) le rayon spectral de . On rappelle que .
Il est clair que est primitive, et que et ont le même rayon spectral .
On peut donc noter (respectivement ) un vecteur directeur strictement positif de la droite (respectivement de la droite ). On note .
Quitte à multiplier par un coefficient strictement positif adéquat, on suppose .
On note (c'est un élément de ).
IV.A - Puissances de la matrice
IV.A.1) Montrer que est l'hyperplan orthogonal à la droite (c'est-à-dire ).
IV.A.2) Prouver que est la matrice, dans la base canonique, de la projection de sur la droite , parallèlement à l'hyperplan .
IV.A.3) Vérifier que est de rang 1 , qu'elle est strictement positive, et que .
IV.A.4) Montrer que . En déduire: .
IV.B - La matrice vérifie
Dans cette question, on pose . On va montrer que et en déduire un résultat intéressant sur la suite des puissances successives de .
Soit une valeur propre non nulle de et soit un vecteur propre associé.
IV.B.1) Montrer que , puis . En déduire .
IV.B.2) Par l'absurde, on suppose . On peut donc choisir de telle sorte que . Montrer qu'alors puis et aboutir à une contradiction. Conclure.
IV.B.3) Déduire de ce qui précède (et de la sous-partie IV.A) que .
IV.C - Le rayon spectral de est une valeur propre simple
Dans cette sous-partie, on montre que la valeur propre dominante de (c'est-à-dire son rayon spectral ) est simple (on sait déjà que le sous-espace propre associé est une droite vectorielle).
Soit la multiplicité de comme valeur propre de et soit une réduite triangulaire de .
En examinant la diagonale de quand , montrer que .
V Matrices carrées positives irréductibles
Soit dans , avec . On dit que est irréductible si, pour tous et dans , il existe (dépendant a priori de et ) tel que .
Avec cette définition, il est clair que toute matrice primitive est irréductible.
Dans toute la suite, matrice irréductible signifie matrice carrée positive irréductible.
Dans toute cette partie, est une matrice positive donnée dans .
V.A - Premières propriétés des matrices irréductibles
V.A.1) Exprimer l'irréductibilité de en termes de chemins dans .
V.A.2) Montrer que si est irréductible, alors pour tous et dans , il existe (dépendant a priori de et ) tel que .
V.A.3) Donner un exemple simple d'une matrice carrée irréductible mais non primitive.
V.A.4) Montrer que si n'est pas irréductible, alors n'est pas irréductible.
En revanche, donner un exemple simple d'une matrice irréductible telle que ne soit pas irréductible.
V.A.5) Montrer que le rayon spectral d'une matrice irréductible est strictement positif.
V. - Deux caractérisations de l'irréductibilité et une condition nécessaire
V.B.1) Pour la matrice positive de , montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
la matrice est irréductible ;
la matrice est strictement positive ;
la matrice est strictement positive.
V.B.2) Soit irréductible. Montrer qu'aucune ligne (et aucune colonne) de n'est identiquement nulle.
V. - Deux conditions suffisantes de primitivité
Dans cette question, est une matrice irréductible donnée.
V.C.1) On suppose que . Montrer que (donc est primitive).
On raisonnera en termes de chemins dans .
V.C.2) On suppose que: . Montrer que est primitive.
Pour tous et dans , on pourra montrer qu'il existe dans un chemin de à et passant par , et considérer le maximum des longueurs des chemins ainsi obtenus. On prouvera que .
VI Le coefficient d'imprimitivité
Soit dans , avec .
On dit que est imprimitive si est irréductible mais n'est pas primitive.
Pour toute matrice imprimitive dans , on admet le résultat suivant :
Les valeurs propres de A telles que sont simples. Ce sont les solutions de l'équation pour un certain entier . En particulier est valeur propre simple de . Plus généralement, la totalité du spectre de est invariante dans la multiplication par . Par ailleurs, et pour la valeur propre , la matrice possède un vecteur propre .
L'indice dont il est question dans le résultat précédent est appelé le coefficient d'imprimitivité de .
Remarque : si on rapproche ce qui précède et le résultat admis au début de la partie IV, on peut fort bien dire qu'une matrice primitive a pour coefficient d'imprimitivité .
VI.A - Diagonales des puissances d'une matrice imprimitive
Soit une matrice imprimitive de coefficient d'imprimitivité .
Pour tout entier non multiple de , montrer que la diagonale de est identiquement nulle.
On pourra s'intéresser à la trace de .
En déduire que le résultat de la question IV.B. 3 ne tient plus si est imprimitive.
VI.B - Une matrice de Weilandt «modifiée»
On définit la matrice par
Par exemple, pour .
Le but de cette question est de prouver que est imprimitive.
VI.B.1) Montrer que la matrice est irréductible.
VI.B.2) Montrer que le polynôme caractéristique de est .
En déduire que est imprimitive et préciser son coefficient d'imprimitivité.
VI.B.3) Montrer que et retrouver le fait que n'est pas primitive.
VI.C - Coefficient d'imprimitivité et polynôme caractéristique
Soit dans , une matrice irréductible. On note son rayon spectral.
Soit le coefficient d'imprimitivité de (rappel : par convention, si est primitive).
Soit son polynôme caractéristique, écrit suivant les puissances décroissantes et en ne laissant apparaître que les coefficients non nuls.
On va montrer la propriété suivante : l'entier est le pgcd des entiers .
VI.C.1) On rappelle que le spectre de est invariant par le produit , où .
En déduire que, pour tout , l'entier est divisible par .
Penser aux fonctions symétriques élémentaires des .
VI.C.2) Réciproquement, on suppose par l'absurde que les sont tous divisibles par , avec .
On pose (donc ). Montrer que est valeur propre de et conclure.
VI.D - Coefficient d'imprimitivité et longueur des circuits
Dans cette question, on va établir un théorème de Romanovsky en 1936, établissant que le coefficient d'imprimitivité d'une matrice irréductible (éventuellement dans le cas d'une matrice primitive) est le pgcd des longueurs des circuits passant un indice donné (ce pgcd ne dépendant en fait pas de l'indice en question).
Soit une matrice irréductible. Pour tout de , on note l'ensemble (non vide) des longueurs des circuits de qui passent par , et on note le pgcd des éléments de .
VI.D.1) Soit dans . On sait qu'il existe et dans tels que et .
Pour tout dans , montrer que divise . En déduire que divise .
Par symétrie, il en résulte évidemment que tous les sont égaux. On note leur valeur commune.
VI.D.2) Montrer que si (c'est-à-dire si est primitive), alors (utiliser la question III.B.3).
VI.D.3) Dans la suite de cette question, on suppose .
Montrer que divise (utiliser la question VI.A).
VI.D.4) On va montrer que divise . Il en résultera bien sûr l'égalité .
On rappelle que la diagonale de est nulle (c'est une conséquence de la question VI.A).
Soit le polynôme caractéristique de .
On sait que , où la somme est étendue aux permutations de .
On fixe une permutation de , on pose et on suppose .
On note l'ensemble des éléments de tels que , et , avec .
a) Montrer que .
b) La restriction à de la permutation se décompose en produits de cycles à supports disjoints (et de longueur puisque par hypothèse aucun des éléments de n'est invariant par ).
Soit , avec , l'un quelconque des cycles entrant dans cette décomposition.
Montrer que est un circuit dans la matrice .
En déduire que , puis , sont des multiples de .
c) Montrer finalement que s'écrit :
En déduire que est un diviseur de (utiliser le résultat de la question VI.C). Conclure.
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